L'École d'Agriculture
«Pour l'enseignement agricole (...) un plan est ébauché visant à multiplier des écoles moyennes d'agriculture qui permettront à notre jeunesse de campagne d'acquérir d'une façon plus précise et plus poussée la science de son métier naturel. Pour les jeunes filles des cours de sciences ménagères et d'arts domestiques se multiplient également.»
Ainsi s'exprimait l'évêque Limoges lorsqu'en 1933 de concert avec le ministère de l'Agriculture, il organise une école d'agriculture logée dans les locaux du Séminaire de Mont-Laurier. Pour instituer un programme qui soit à la fois académique et pratique, le ministère acquiert la ferme Saint-Joseph, située derrière le Séminaire et propriété du curé Génier. Les étudiants profiteront ainsi d'une ferme laboratoire pour devenir de "bons habitants".
Le Séminaire Saint-Joseph et,
au fond, la ferme Saint-Joseph qui servait aux travaux pratiques des élèves.
L'École d'agriculture, qui est seulement la troisième institution du genre au Québec après Rimouski et Sainte-Martine, connait des débuts modestes, voire difficiles. Le nombre d'inscriptions varie d'une année à l'autre : en septembre 1933, 33 élèves s'y inscrivent ; en 1934, ils sont 55. En juin 1935, après les deux années d'études, les 14 premiers diplômés (sur 33 inscrits) sortent de l'établissement. Le personnel enseignant change régulièrement aussi. En 1939, une nouvelle équipe de prêtres prend la direction de l'École pour lui assurer une plus grande stabilité et construit l'atelier qui, avec son exposition annuelle des oeuvres des élèves, deviendra la vitrine de l'École.
Mais, au Séminaire, les entrées se font de plus en plus nombreuses pour les études supérieures et on manque de locaux. Il faut reloger l'École d'agriculture. Entre 1933 et 1955, l'École a fourni son enseignement à 630 jeunes gens dont 210 ont été diplômés.
Selon un article écrit par Paul-Arthur Fortier, secrétaire général des Anciens de l'École, "67,6% de ceux-ci cultivaient le sol ou étaient dans une branche connexe à l'agriculture : coopératives, caisses populaires, etc." Ce qui ne nous dit pas combien de ces jeunes se sont établis véritablement sur une ferme. Ces statistiques seraient comparables à celles des autres écoles d'agriculture du Québec.
Les difficultés de s'établir sur une ferme étaient de deux ordres : une main-d'oeuvre suffisante au foyer et le manque d'argent ou d'aide pour s'établir. Problème qui est toujours d'une actualité criante. Tout le milieu s'implique pour relocaliser l'École d'agriculture : coopératives, Union des cultivateurs catholiques, caisses populaires, syndicats, municipalités, commissions scolaires et député. Lequel, l'Honorable Albiny Paquette, ministre de la Santé, annonce, le soir de la remise des prix de fin d'année de 1949 -certains auteurs disent 1951- que le gouvernement Duplessis va investir plus de 300 000$ pour la construction d'une véritable École d'agriculture à Mont-Laurier.
On ne veut cependant pas construire un "grand collège", plutôt des pavillons où le jeune rural ne se sente pas dépaysé. L'architecte Charles Grenier, de Montréal, dessine les plans réalisés par l'entrepreneur Laurent Hébert de Mont-Laurier. Le pavillon A, baptisé la Huche, sert à la chapelle, au réfectoire et loge les Oblates Missionnaires de l'Immaculée; le pavillon B, la Bûche, rassemble salle de récréation et atelier d'artisanat; la Ruche, classes, dortoir et administration. La ferme compte 384 acres, dont 180 en culture.
La nouvelle école d'agriculture avec ses trois pavillons.
L'École s'adresse spécialement aux fils de cultivateurs sérieux et désireux de s'instruire pour s'établir sur une ferme. On demande aux candidats d'avoir au moins 16 ans et un minimum de préparation scolaire équivalent à la septième année. Le cours agricole s'étend sur deux ans et chaque année scolaire dure vingt semaines dont chacune comprend dix-heures de cours et de pratique agricole. Catéchisme, Français, Mathématiques et Civisme reviennent chaque année, le reste du programme comprend des cours qui vont de l'étude des sols et des engrais chimiques à la gestion de troupeaux, anatomie, mécanique, comptabilité, etc. Du début de juin à la fin de septembre, l'École reçoit "les jeunes filles de la campagne qui n'ont pas eu l'avantage de poursuivre des cours dans des écoles supérieures."
Comme le dit l'Annuaire de l'École : "Le succès d'un cultivateur sur une terre est grandement conditionné par les qualités et le savoir-faire de celle qu'il s'est choisie comme épouse. Pour garder nos fils de cultivateurs en campagne il est donc de première importance de leur préparer une compagne de vie capable de les comprendre et de les aider de mille façons." On leur dispense l'enseignement ménager, l'art culinaire, couture, tissage, tricot, crochet, chapellerie, art décoratif, en plus des cours de religion, français, mathématiques, pédagogie familiale, hygiène, puériculture et autres. L'École d'agriculture relève d'une Corporation autonome composée de prêtres et de laïcs dont la direction est confiée par l'évêque du diocèse de Mont-Laurier à des prêtres du diocèse chargés du ministère sacerdotal, de l'enseignement de la religion et de la doctrine sociale de l'Église catholique. L'orientation des cours d'agronomie relève du Service de l'Enseignement agricole du Gouvernement provincial. L'École d'agriculture fermera ses portes en 1967 et ses trois pavillons, réunis en un seul, deviendront le Centre collégial de Mont-Laurier.